Réunion CEFEP : déductibilité de la TVA dans les groupes

Le jeudi 8 décembre 2016, le CEFEP s’est réuni autour de Benoît Bohnert (rapporteur public au Conseil d’Etat), Odile Courjon (avocate associée chez TAJ) et Benoît Delaunay (professeur à l’université Paris II Panthéon-ASSAS) pour aborder le sujet de la déductibilité de la TVA dans les groupes.

Deux décisions récentes :

  • CE, 20 mai 2016, Société Ginger group : Reconnait que la taxe qui vient grever les frais généraux des holdings qui s’immiscent dans la gestion de leur filiale est entièrement déductible
  • CJUE, 21 juin 2016, ESET : Possibilité de déduire la TVA qui a été encaissée par une succursale pour réaliser des services rendus à son siège dans un autre EM

Caractéristique de la TVA : Neutralité, par la possibilité de la déduire. Selon la CJUE, il y a un droit à déduction, soumis à des critères alternatifs (un lien direct et immédiat entre une opération en amont et une en aval, et la notion de frais généraux).

L’affaire Ginger concerne les holdings et l’arrêt ESET, les succursales. Dans les deux affaires, il y a des problèmes de hors champ. L’administration fiscale utilise cette notion pour contester le droit à déduction du contribuable.

 

Affaire Ginger

 

Une holding de tête a une activité opérationnelle (prestations de services auprès de clients tiers et aux filiales du groupe). C’est une holding mixte, elle est détentrice de participations et prestataire de services auprès des tiers et de ses filiales. La jurisprudence de la CJUE indique que c’est avoir une immixtion dans la gestion des filiales : Rendre des services à des entités détenues par ailleurs. La holding a encouru des frais opérationnels, a déduit à 100% la TVA. Elle n’a pas cherché à affecter ses dépenses. Lorsque le contrôle fiscal s’est développé, l’administration a réduit le coefficient de déduction à environ 67%.

L’affaire monte une première fois devant le CE qui rappelle les principes de la directive de 1977 (Notions de hors champ/dans le champ). Pour une activité non-économique, c’est hors champ. Le fait de détenir des participations n’est pas une activité d’affaires, c’est de la détention passive de titres. Les dépenses économiques sont comprises comme dans le champ de la TVA. Le CE précise qu’il y a une quote-part des dépenses qui est affectée à l’activité hors champ. Le CE n’accepte pas la qualification de frais généraux et refuse la qualification d’immixtion.

Frais généraux : Une prestation qui a un lien direct avec l’ensemble de l’activité économique de l’entreprise. Cette règle est valable pour les règles dans le champ de la TVA.

Le régime du droit à déduction est précisé par la CJUE (Cibo participation, Portugal Telecom et Securenta). Il repose sur une distinction entre 3 types de dépenses :

  • Celles pour une activité exclusivement hors du champ de la TVA
  • Dépenses pour lesquelles la TVA est entièrement déductible
  • Dépenses mixtes : Pour activités hors du champ et dans le champ : Elles n’ouvrent droit à déduction que proportionnellement

La décision Ginger se fondait sur ces principes. Elle est critiquée par la doctrine elle conduit à ne jamais accepter la déduction de TVA pour la perception de dividendes, y compris en cas d’immixtion dans la gestion de la filiale. La CJUE indique que la déduction peut être intégrale. Le dividende ne résulte pas de la simple détention des titres mais est aussi le fruit de l’intervention de la holding dans la gestion de ses filiales, de sorte à les valoriser, pour produire le dividende.

Le CE retient que la Société Ginger a conclu avec ses filiales des prestations soumises à la TVA, donc elle s’est immiscée dans la gestion de ses filiales, donc activité économique, donc dans le champ d’application de la TVA. La société était donc fondée à déduire l’intégralité de la TVA qu’elle avait payée.

Portée de la décision :

  • Importance du dialogue des juges
  • Confirmation de ce que la théorie des frais généraux s’applique aussi aux sociétés holdings animatrices
  • Nécessité d’avoir une documentation qui permet la traçabilité des services rendus et l’affectation des biens et services achetés.
  • L’arrêt concerne une holding mixte et la solution n’est pas transposable à une holding partiellement mixte
  • Il pourrait y avoir des conséquences sur la taxe sur les salaires

 

Affaire ESET

 

Une succursale en Pologne d’une société slovaque. La succursale polonaise ne sert que son siège. Elle rend des services de nature informatique à son siège. Elle fait des acquisitions intracommunautaires pour lesquelles elle liquide la TVA en Pologne et elle fait des achats locaux. Ça donne lieu à une auto-liquidation et le droit à déduction selon le droit local. La déduction est remise en cause par l’administration fiscale : La succursale rend des services à son siège, donc activité hors champ selon l’administration. La CJUE précise que la directive indique que chaque contribuable a un droit à remboursement ou à déduction. Le droit à déduction s’exerce sur une déclaration locale de TVA avec une déduction sur cette déclaration. La CJUE confirme que quand on n’est pas établi, on a droit au remboursement, articles 169 à 172 de la directive 2006-112. Les établis qui ont un établissement stable : L’assujetti ne peut exercer son droit à déduction que par voie de déduction locale.

La CJUE répond que comme l’entreprise est assujettie à 100%, et activité dans le champ, elle a des droits à déduction et non à remboursement. C’est confirmé même si la succursale ne fait que rendre des services à son siège.

Il y a eu des échos de cet arrêt dans toute l’Europe. Du côté français, affaire Morgan Stanley, CAA de Versailles, 2015.

Grandes idées pour le CE :

  • La naissance du droit à déduction
  • Il faudra avoir la même règle en France qu’il y ait un siège en France et une succursale à l’étranger ou l’inverse. Les solutions doivent être stabilisées.